Réforme du RSA : pour un meilleur accompagnement !

22 Oct, 2023 | Actualités, Paris

La rentrée parlementaire à l’Assemblée nationale a été marquée par l’examen du projet de loi pour le plein emploi. Atteindre le plein emploi en réformant le service public de l’emploi, tel est l’objectif du gouvernement avec en creux, l’idée persistante que davantage de contrôle voire de sanctions permettraient le retour à l’emploi d’un certain nombre d’allocataires peu motivés. Il est peu de dire que ce texte a suscité de nombreuses critiques à la fois sur la philosophie générale qui parait stigmatisante mais également sur les moyens alloués à cette réforme qui restent mal identifiés.

Un texte qui répond aux annonces d’Emmanuel Macron

Le gouvernement croit possible d’atteindre 5% de chômage d’ici à la fin du quinquennat. C’est en tout cas une constante dans les discours du Président de la république qui semble s’être fixé pour seul objectif le plein emploi, quitte à réformer à tout va pour y arriver.

De fait, avec ce projet de loi, l’exécutif veut refondre le service public de l’emploi dans une nouvelle identité, «France Travail», successeur de Pôle emploi, et mettre en place un accompagnement plus personnalisé et directif des allocataires du RSA qui n’ont guère profité de la baisse du chômage. Au centre de la polémique : le « contrat d’engagement » que devra signer l’allocataire prévoyant une durée hebdomadaire minimale d’activité, que le Sénat a fixée à 15 heures et assorti de la possibilité de sanctionner la personne qui ne le respecterait pas par une suspension de son allocation.

Le texte comporte deux autres volets : l’un sur le handicap qui vise à améliorer l’accès des personnes handicapées à l’emploi dans le milieu ordinaire et l’autre sur la petite enfance qui reconnaît les communes comme « autorités organisatrices » de l’accueil, avec mission de recenser les besoins, informer les familles et construire l’offre.

Une réforme sans moyens financiers dédiés

Si nous partageons tous volontiers la volonté de faire émerger un vrai service public de l’emploi, qui repose sur une meilleure coordination des acteurs de l’emploi et de l’insertion, cela suppose de doter France Travail de moyens à la hauteur. Or, les financements ne semblent pas très clairs ni bien identifiés sur cette réforme… Interpellé à plusieurs reprises sur ce chapitre, le Ministre du Travail Olivier Dussopt a renvoyé les parlementaires au projet de loi de finances, qui sera l’occasion, selon lui, de « conforter et d’assurer une montée en charge progressive » des crédits dédiés aux politiques d’insertion. Ce que l’on sait déjà, c’est que le rapport préfigurant la réforme a chiffré son coût « entre 2 et 2,5 milliards d’euros en cumulé jusque 2027 » avec une partie qui pourrait être financée sur le budget de l’assurance-chômage. On le voit, le financement de cette réforme doit être à la hauteur des enjeux, car sans moyens financiers et humains adaptés aux futures missions, rien ne sortira

Une volonté de recentralisation au dépend des collectivités ?

Mes collègues du groupe LIOT et moi-même avons regretté la recentralisation à l’œuvre dans de nombreuses dispositions de ce texte, et nous avons déposé de nombreux amendements pendant le débat dans l’hémicycle pour appeler à se reposer plus largement sur les échelons territoriaux et les collectivités. Le positionnement quasi-hiérarchique du comité national France Travail pose ainsi question, alors que les dynamiques d’emploi sont très différentes d’un territoire à l’autre. Dès lors, nous demandons qu’une organisation plus décentralisée soit envisagée.

De même, sur la question de la petite enfance, le texte souhaite mettre en place une nouvelle gouvernance en matière d’accueil du jeune enfant. Il prévoit notammentla mise en place d’une stratégie nationale définie par le Gouvernement et la commune comme autorité organisatrice de cette politique. De plus, le texte confie aux communes la qualité d’autorité organisatrice du jeune enfant(qu’elles pourront transférer à l’EPCI).

Les communes de plus de 10 000 habitants devront mettre en place des relais petite enfance. Quant aux communes de plus de 3 500 habitants, elles doivent planifier le développement des modes d’accueil et soutenir leur qualité. Cerise sur le gâteau : en cas de manquement, le préfet de département pourra mandater la caisse d’allocations familiales pour mettre en place les actions de de déploiement des modes de garde.

Ces dispositions ont provoqué un tollé général et les collectivités ont fait savoir leur vive opposition. Elles ont été plus ou moins pris en compte lors du vote au Sénat qui a permis de reporter l’octroi de ces compétences au 1er septembre 2026, afin de tenir compte de l’échéance des prochaines élections municipales. Les sénateurs ont surtout retoqué la possibilité pour le préfet, en cas de manquement d’une commune, demandater la CAF afin qu’elle élabore le schéma communal et un projet de création de relais petite enfance. C’est également dans ce sens qu’ils ont refusé que la définition d’une stratégie nationale se fasse par arrêté du ministre chargé de la famille, afin de ne pas donner à penser que le ministre encadre l’action des collectivités locales. Enfin, un amendement rehaussant de 3 500 à 10 000 le seuil de la population à partir duquel les communes doivent élaborer un schéma pluriannuel sur l’offre d’accueil du jeune enfant a également été adopté. Nous avons veillé lors des débats à l’Assemblée à ce que la présence des élus dans tous les échelons des processus soit bien maintenue…

Les allocataires ont des devoirs mais aussi des droits !

Nous avons été nombreux à considérer que la philosophie du texte ne met pas suffisamment l’accent sur les publics et territoires les plus fragiles, notamment ruraux. Il semble évident que conditionner le RSA à 15 ou 20h d’activités par semaine ne garantira pas un retour plus rapide à l’emploi des bénéficiaires. Dans les faits, les auditions avec les acteurs de l’insertion des publics éloignés de l’emploi ont montré que les défaillances viennent le plus souvent non pas du contrôle qui est d’ores et déjà opéré sur les bénéficiaires mais plutôt sur l’accompagnement et l’encadrement auquel ils ont théoriquement droit.

Nous le répétons, pour qu’il y ait un engagement, il faut qu’il y ait un accompagnement. Et cet accompagnement est  » défaillant « . La Cour des comptes l’a d’ailleurs dénoncé l’an dernier : l’accompagnement social et professionnel est jugé « nettement insuffisant ». 60% des bénéficiaires ne disposent pas de contrat d’accompagnement valide selon la Cour des comptes.

Ainsi, pour obtenir un premier rendez-vous d’orientation, en moyenne, il faut plus de trois mois ! Et il s’agit d’une moyenne… C’est aussi une réalité à prendre en compte, et les personnels de Pôle Emploi que j’ai eu l’occasion de rencontrer en Ariège n’y peuvent rien, sans moyens humains et financiers à la hauteur de l’enjeu de leur mission.

Au final, ce qui doit être notre boussole c’est bien de s’assurer que l’objectif d’insertion ne se fasse pas au détriment de la solidarité : le RSA est d’abord et avant tout un filet de sécurité, pour ne pas sombrer dans la pauvreté. Rappelons que le RSA ne permet pas à lui seul de sortir de l’état de pauvreté : 65% des allocataires vivent sous le seuil de pauvreté monétaire, soit près de 15% de la population française qui vit avec moins de 1 000 euros.

D’autant que le texte suit une réforme de l’assurance chômage qui a durci les conditions d’accès à l’indemnisation chômage. Par ailleurs, le texte insiste beaucoup sur les devoirs, les contrôles, et les sanctions ; mais n’aborde quasiment pas la question du non-recours. Or, les études montrent qu’en réalité 30% de la population cible ne perçoit pas l’allocation (soit près de 600 000 ménages). Le taux de non-recours à cette prestation reste stable, autour de 30% depuis 2011.

Agir sur le taux de chômage qui reste élevé à 7,1% et sur le nombre grandissant d’emploi vacants (362 800 au deuxième trimestre 2022) est certes une nécessité mais cette réflexion ne peut se mener sans reposer la question de la revalorisation des salaires.

C’est ainsi que nous avons rappelé lors des discussions en séance avec mes collègues députés du groupe LIOT que ces réformes sur le travail qui se multiplient après celle sur l’assurance chômage, devraient avoir comme préalable la tenue d’une conférence sociale avec au centre la question des salaires. Par ailleurs, plutôt que prévoir des sanctions pourquoi ne pas imaginer plutôt une bonification pour les bénéficiaires qui seraient engagés activement dans une démarche de retour à l’emploi ? Fidèle à mes engagements, je me suis mobilisée sur ces sujets tout au long de l’examen de ces propositions pour que soit entendue la voix des plus fragiles d’entre nous !