Une agriculture qui marche sur la tête, voilà ce que dénonçaient il y a encore quelques mois les milliers d’agriculteurs qui manifestaient à travers le pays. Une colère qui couve depuis de nombreuses années et que nous avons eu de cesse de relayer depuis le début de la mandature.
Une loi pour répondre aux enjeux de la crise profonde de l’agriculture
Voilà maintenant plusieurs années que nous alertons sur la crise profonde du secteur agricole. Il aura fallu une crise sociale à l’ampleur inégalée et de multiples reports pour que le gouvernement aboutisse enfin à ce qui devait être « une grande loi agricole ». Elle devait répondre concrètement au malaise agricole et apporter notamment la reconnaissance tant attendue par les agriculteurs de la place qu’ils occupent dans la société.
Autant dire que l’attente sur ce projet de loi était forte. A raison, lorsque nous constatons les immenses défis qui s’imposent à l’agriculture française.
A l’issue de près de soixante-dix heures de débat dans l’Hémicycle et plus de 5 000 amendements examinés, l’Assemblée nationale a adopté mardi 28 mai, le projet de loi d’orientation pour la souveraineté agricole et le renouvellement des générations en agriculture.
Force est de constater que ce texte est bien décevant tant les enjeux sont grands et les réponses absentes. En effet, son manque d’ambition a été dénoncé sur tous les bancs : pas un mot sur les revenus agricoles, sur la préservation du foncier et la fiscalité, sur le changement climatique, sur le soutien à la filière bio ou sur le système assurantiel.
Certes, le texte présenté et défendu par le gouvernement prévoit des mesures sur la formation des agriculteurs, la transmission des exploitations. Il contient également des mesures sur la simplification en matière de règles applicables aux haies, ou encore sur l‘accélération des contentieux en cas de recours contre des projets de stockage d’eau ou de construction de bâtiments d’élevage. Le gouvernement sollicite également le droit de modifier par ordonnance la répression de certaines atteintes à l’environnement, en requalifiant par exemple des sanctions pénales en sanctions administratives. Ce volet était particulièrement contesté et les inquiétudes nombreuses de voir cette réévaluation de l’échelle des peines se faire au détriment de la protection de l’environnement.
En somme, les réponses apportées ne sont pas à la hauteur des principales urgences du secteur et sur ce qui devrait déterminer la trajectoire de la ferme France.
Un gouvernement fermé à la discussion
En un mois de débat, je regrette l’obstination du gouvernement à ne pas prêter attention à nos propositions, fruit d’un véritable travail de terrain et de consultation des acteurs dans les territoires.
Les amendements que nous avions déposé avec mes collègues députés ont tous été rejetés malgré leur pertinence. Ainsi, l’amendement visant à soutenir la filière d’agriculture biologique aujourd’hui en grand danger. De fait, elle subit une vague importante de déconversion face à une insoutenabilité économique. Il est urgent de prendre des mesures claires pour soutenir cette filière notamment pour la transmission des exploitations en soutenant les agriculteurs par des aides de maintien. Les incohérences réglementaires doivent cesser pour que cette filière puisse survivre et que nos agriculteurs puissent enfin travailler dans de bonnes conditions. Sur ce sujet, nous n’avons pas été entendus.
De même pour la réforme du système assurantiel que nous appelons de nos vœux. Elle constitue une urgence pour notre agriculture. Le monde agricole et rural dans sa globalité est aujourd’hui pleinement impacté par les effets du changement climatique. Face aux aléas climatiques de plus en plus violents, nous devons apporter une sécurité aux agriculteurs.
Nous demandons qu’une concertation soit lancée pour évaluer la réforme de 2023 et envisager des pistes de réflexions pour faire évoluer le système assurantiel.
Le maintien d’un monde agricole durable ne passera que par la sécurisation des revenus et des productions agricoles.
Au final, la non prise en compte des attentes maintes fois exprimées par nos agriculteurs et les trop faibles avancées de ce projet de loi pour les agriculteurs ne m’ont pas permis d’y apporter mon soutien. Je me suis ainsi prononcée contre en espérant qu’après son adoption à l’Assemblée, les sénateurs contribueront à l’améliorer. L’objectif est clair : cette loi doit répondre aux objectifs de renouvellement de générations agricoles en capacité de faire face aux enjeux du changement climatique dans un contexte mondial incertain.